Les transformations urbaines d'Ivry dans le viseur de l'atelier-relais

Les transformations urbaines d'Ivry dans le viseur de l'atelier-relais

Cette exposition virtuelle est le fruit du travail mené par les élèves de l’atelier-relais d’Ivry-sur-Seine en octobre 2017 en collaboration avec le service municipal Archives-Patrimoine.

Ces collégiens de 3e et 4e, en véritables explorateurs urbains, ont observé minutieusement les évolutions qui ont touché quatre sites ivryens entre le début du XXe siècle et aujourd’hui. À travers les descriptions précises réalisées par les élèves de cartes postales, de photographies et de peintures représentant ces sites à 100 ans d’intervalle, se dévoile un tableau des transformations et des permanences qui ont affecté la commune durant ce siècle d’intenses métamorphoses urbaines.

 

 

Laissez-vous guider par les élèves !

Ivry, entre agriculture et industrie

Voici une carte postale d’Ivry-sur-Seine datant du début du XXe siècle. La photographie a été prise d’une route qui longeait le plateau d’Ivry et qui s'appelait la « route stratégique du Fort de Bicêtre au Fort d’Ivry » (actuelle rue Marcel Hartmann). Elle reliait les constructions de défense qui  protégeaient Paris.

Au premier plan, nous apercevons un champ de légumes bien alignés qui fait penser à un paysage de campagne. Les nombreuses cultures maraîchères produites à Ivry mais aussi dans de nombreuses villes de la banlieue parisienne servaient à alimenter la capitale voisine, Paris.

Cette  photographie nous permet d’avoir une vue panoramique de toute la ville, en contre-bas. Le paysage au second plan est complètement différent de celui du premier plan. Nous voyons des petits pavillons avec des jardins individuels. Un peu plus loin, quelques immeubles de plusieurs étages sont dispersés. Sur la droite de la photographie, nous remarquons l’hôtel de ville que l’on reconnaît à son campanile. Il domine les autres bâtiments. 

Au fond, sur la ligne d’horizon, de très nombreuses cheminées d’usine se dressent près de la Seine. De la fumée s’élève de plusieurs endroits dans le ciel légèrement voilé. En effet, au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle, l’activité industrielle était devenue très importante à Ivry et notamment dans le quartier d’Ivry-Port. Les entreprises étaient très nombreuses et avaient des activités très variées : les forges Lemoine, l’usine SKF qui produisait des roulements à billes, les tuileries Muller qui fabriquaient des tuiles à emboîtement et des céramiques décoratives, l’usine des Eaux qui traitait l’eau de la Seine, l’usine Ferrand-Renaud, la Compagnie générale des lampes à incandescences...

Cette photographie résume deux aspects très différents de l’activité ivryenne au début du XXe siècle: les cultures maraîchères et l’intense production industrielle.

(Gaëtan Mosengo)

Le développement du logement social

Observons maintenant la photographie qui montre le même lieu en 2017.

Au premier plan de cette photographie, le champ a complètement disparu. La rue Robespierre, qui est goudronnée, n’existait pas encore sur la carte postale précédente. Elle descend en passant devant la piscine municipale et emmène au centre-ville. Des trottoirs larges avec des arbres taillés longent la rue. À gauche et à droite, nous voyons des pavillons d’un étage avec  portail et jardin.

Au second plan, le panorama de la ville n’est à présent plus visible. Il est caché par les arbres et de grands immeubles en briques. C’est la cité Marat. Construite entre 1935 et 1950, elle est composée de plusieurs bâtiments répartis au milieu d’espaces verts. Ils étaient destinés à loger des ouvriers et leurs familles qui jusqu’alors vivaient pour beaucoup dans des habitations insalubres. Contre un loyer réduit, ces appartements leur permettaient de bénéficier d’un certain confort grâce à l’électricité, à l’eau courante et au chauffage collectif. Ils étaient considérés comme « modernes ». Ces logements sont aujourd’hui des HLM (habitations à loyer modéré). D’autres cités ouvrières furent construites à Ivry durant l’entre-deux-guerres. La première fut la cité Philibert Pompée, en 1927, rebaptisée par la suite cité de l’Insurrection. Elle existe toujours.

À l’heure actuelle, si la vue panoramique était toujours possible, on ne verrait plus à l’horizon que  la fumée des deux cheminées de l’usine de traitement des déchets.

(Saranya Kirupakaran)

Les accents champêtres de la rue Jean Picourt

Au premier plan de ce tableau, deux arbustes sont en fleurs : c'est le printemps. Une femme, avec un chignon, vêtue d’un chemisier rayé et d’une jupe longue, est assise sur l’herbe, au bord d’un sentier. Elle tient un bébé dans ses bras. Nous apercevons derrière elle un petit champ. Des chèvres circulent en liberté. En contre-bas, des poteaux électriques en bois se dressent de chaque côté d’une rue  en terre. Nous remarquons quelques passants. Cette voie longe un grand mur en pierre puis une église : c’est l’église Saint-Pierre-Saint-Paul et le mur d’enceinte du cimetière communal ancien. Quelques bâtisses s’élèvent de chaque côté. C’était  la rue Jean Picourt, qui amenait au centre d’Ivry.

Nous avons l'impression d’observer un village : un sentiment agréable de calme, de douceur, de nature se dégage de cette peinture.

Au deuxième plan, des bâtiments de plusieurs étages apparaissent. Nous devinons,  dans une sorte de brume, de nombreuses constructions qui occupent l'espace jusqu'à la Seine. À l'extrême droite, nous reconnaissons  le campanile de l'hôtel de ville d'Ivry. Enfin au troisième plan, un ciel clair parsemé de quelques nuages. En regardant ce tableau réalisé en 1904 par Victor Menu, nous remarquons une opposition : un premier plan évoquant une ambiance villageoise et champêtre : c’est la partie la plus ancienne d’Ivry. Un arrière-plan montrant une ville vaste et très bâtie : Ivry s’est étendue jusqu’à la Seine durant tout le XIXe siècle.

(Prescilia Berthelon)

Les dernières traces cachées de la ruralité

La rue Jean Picourt est aujourd’hui dénommée rue Gaston Cornavin. Nous pouvons découvrir sur la photographie son aspect en 2017.

Elle est désormais goudronnée. Champ et herbe ont disparu. Ils ont été remplacés, de chaque côté, par de larges trottoirs avec des barrières et des poteaux de protection. En effet, le trafic automobile est maintenant très important aux heures de pointe car cette rue permet de relier le plateau d’Ivry à la plaine et de rejoindre la Seine. Au premier plan, à droite, nous voyons une grosse maison en pierre à un étage qui est un bar  hôtel. Les poteaux électriques ont disparu, ils ont été enterrés. La rue est éclairée par des lampadaires électriques.

Au deuxième plan, sur la gauche, le grand mur en pierre qui entoure le cimetière communal ancien  est toujours présent. Il est désormais bordé d’arbres. Au troisième plan, au centre de la photographie, nous reconnaissons l’église Saint-Pierre Saint-Paul. Le toit du clocher a été rénové, il est maintenant plus pointu. En arrière-plan,  nous apercevons  le haut de la tour Lénine avec ses  balcons blancs. Elle est située au 76 avenue Georges Gosnat, en face de la mairie. Elle a été construite en béton armé. C’est le seul indice qui indique qu’il y a une ville dense plus bas.

En regardant cette photographie prise au milieu d’un après-midi ensoleillé, nous pensons plus à un petit bourg de province française qu’à une ville limitrophe de Paris.

(Dioncounda Baradji)

Le précieux témoignage du passé industriel d'Ivry

Au premier plan de cette carte postale de 1906, se situe une rue pavée avec des rails servant pour le tramway. Des trottoirs en demi-lune encadrent l'entrée. Ils sont décorés de buissons et entourés de grilles basses. Au centre de l'image, huit personnes : un homme, trois femmes, une jeune fille et trois enfants. C'est certainement une famille. L’homme porte un uniforme : une casquette, une veste et un pantalon foncé. Peut-être est-ce le gardien de la manufacture. Derrière eux, une immense grille, avec quatre lampadaires très décorés, délimite l'usine. Nous voyons sur la droite, au bord de la rue, une maison à deux étages, en briques, avec son toit recouvert de zinc : c’est la maison du gardien et de sa famille.

Au deuxième plan, nous observons un très grand bâtiment en « L ». Une inscription sur la carte postale nous donne une information : c’est l’usine « BAC », du nom de son premier propriétaire qui lance en 1890 la construction d’une manufacture pour produire des porte-plumes, et des œillets métalliques. En 1904, elle prend le nom définitif de Manufacture française des œillets métallique car elle ne fabrique plus que des œillets.  

Sur la façade, à gauche,  un grand chapiteau sculpté avec une horloge au centre indiquait l’entrée. De grandes baies vitrées rectangulaires sont visibles le long du bâtiment. Au-dessus, une rangée de fenêtres plus petites parait nous indiquer la présence d’un étage. Or, lorsque nous observons une photographie de l’intérieur de la manufacture, nous remarquons qu’il y avait seulement un immense espace du sol au toit, sans séparation, appelée  « la grande halle », où étaient installées d’énormes machines. Une partie du toit est surélevée. Toutes ses ouvertures, grandes baies vitrées, petites fenêtres et verrières permettaient d’apporter un éclairage naturel, latéral et zénithal. Une très haute cheminée se dresse au-dessus des bâtiments : en effet, il fallait fondre le métal pour fabriquer les œillets. Sur la droite, l’autre aile du bâtiment, plus basse, servait à l’administration.

La photographie a été prise place Guillaume Bac (actuelle place Pierre Gosnat), en 1906. C’était certainement un dimanche : rue déserte, aucune fumée sortant de la cheminée, pas d’ouvriers  visibles, personne dans la rue.

(Fatoumata Sacko)

Une manufacture en reconversion

La photographie que nous avons prise présente la même manufacture en 2017.

Au premier plan, la voie du tramway a disparu et a été remplacée par un couloir de bus. La route est maintenant goudronnée et seul le trottoir est toujours pavé. Il n’y a plus de buissons mais des arbres ont été plantés à leur place.

Au deuxième plan, les lampadaires de la grille ont été enlevés. La grande halle et la maison du gardien n’ont pas changé d’aspect : nous reconnaissons les grandes baies vitrées, l’alignement des petites fenêtres au-dessus, une partie du toit surélevé. Cependant,  au centre de l’image, au-dessous du chapiteau, nous pouvons lire une nouvelle inscription : Théâtre des Quartiers d’Ivry. En 1990, l’usine a fermé. Les locaux ont été rachetés en 2009 par la ville d’Ivry pour créer, dans la grande halle, le centre national dramatique du Val-de-Marne. En 2016,  la halle est aménagée en salle de théâtre avec des gradins et un grand hall d’accueil. Les architectes ont conservé de manière visible le volume et la structure métallique de l’ancienne  manufacture.

Au centre et à droite de l’image, de nouvelles constructions sont apparues. En 1905, la Manufacture française d’œillets métalliques devient une filiale d’une multinationale américaine. Dès 1913, un chantier d’agrandissement de l’usine  est lancé. La tour au centre en briques rouges et les premières travées du bâtiment dit « américain » auxquels elle est reliée sont construits. Celui-ci, reconnaissable à sa façade ouverte de grandes baies vitrées, sera étendu en 1924. Depuis 2001, il abrite l’EPSAA, l’École professionnelle supérieure d’Arts graphiques de la ville de Paris. Le CREDAC, Centre d’art contemporain d’Ivry, créé en 1987, déménage en 2011 pour s’installer également dans le bâtiment américain. Auparavant, il avait ses locaux sous l’espace Jeanne Hachette, construit par l’architecte Renaudie. La cheminée n’existe plus : elle a été retirée pour des raisons de sécurité. Maintenant, seuls le nom et l’architecture nous rappellent le passé industriel de cette ancienne manufacture.

(Pape-Henri Talpin)

La rue de la mairie, entre modernité et tradition

Cette carte-postale nous présente la rue de la Mairie (actuelle avenue Georges Gosnat) dans les années 1900-1910.

Au premier plan, la rue est pavée avec, au milieu, les rails du tramway. En effet, vers 1900, plusieurs lignes permettaient de se rendre à Paris ou en proche banlieue : l’une d’elle reliait Bonneuil-Créteil et Saint-Maur-des-Fossés au Pont de la Concorde. Une autre allait d’Ivry à Châtelet, Une troisième de Vitry-Choisy le Roi au centre de Paris. Enfin, la dernière circulait de Porte d’Orléans à Porte de Vincennes. Un fascicule imprimé à Ivry, le « Petit guide ivryen » indiquait notamment les trajets, les horaires et les tarifs.

Sur la droite, se trouve un trottoir large avec des poteaux électriques décorés de fer forgé, pour alimenter le tramway. Sur la gauche, nous devinons le début de l'esplanade de la mairie d'Ivry qui se trouve hors-cadre.  Des lampadaires et des arbres bordent la rue.  La rue est animée. Un homme avec une casquette et une chasuble lit son journal. Un groupe de passants attend probablement pour traverser. Un tramway, une calèche tirée par un cheval et une charrette transportant des tonneaux se croisent. À droite, sur une façade claire, nous observons une inscription  peinte : grains-issue-fourrage. C'était un entrepôt. Il  vendait des aliments pour les chevaux qui étaient encore très utilisés pour transporter individus et marchandises. À côté, un portail  sculpté, surmonté de vases en pierre délimite l’entrée de la maison de santé destinée aux malades « aliénés ».

Au deuxième plan, à gauche, nous voyons un café à l’angle de la rue de la Mairie et de la rue Raspail. Ensuite, deux lignes d'immeubles à deux ou trois étages bordent la rue.  Nous devinons, au niveau des rez-de-chaussée, des commerces. À l’arrière-plan, au centre, nous reconnaissons la silhouette de l'église Saint-Pierre-Saint-Paul, avec son clocher et son horloge.

Cette photographie montre le centre d’une ville de proche banlieue au début du XXe siècle. La cité est active avec ses commerces. Elle est équipée de nouveautés techniques comme l’éclairage électrique et profite de transports collectifs modernes. Cependant, aucune automobile n’est visible, les chevaux sont encore très présents.

(Valentino Asarisi)

La métamorphose du centre-ville

La photographie montre l’ancienne rue de la Mairie, actuelle avenue Georges Gosnat.

Au premier plan, nous voyons la rue aujourd’hui goudronnée et élargie : une voie pour les vélos, une pour les bus et une à deux files pour les voitures. Les panneaux de signalisation sont désormais très nombreux. Ils servent à la fois à organiser la circulation très dense et à indiquer les directions. Les trottoirs et le café de la Mairie sont toujours présents.

Au deuxième plan, le paysage a complètement changé. L’horizon est caché, de chaque côté de la rue, par des bâtiments en béton, de plusieurs étages, reliés entre eux par une passerelle couverte. Il s’agit d’un projet de rénovation très important du centre-ville initié par la municipalité d’Ivry. Les architectes, Jean Renaudie et Renée Gailhoustet, en ont conçu les plans dans les années 60-70. Ils devaient créer à la fois des logements, des commerces et  permettre l’installation en plein centre-ville de services publics. Ils ont construit des logements avec des terrasses triangulaires très arborées et de grandes ouvertures vitrées. À l’intérieur du bloc gauche, une galerie commerciale, l’espace Jeanne Hachette, a été réalisée ainsi que des petits commerces, au pied des immeubles. La Médiathèque, l’espace Gérard Philipe, le Trésor Public s’y sont aussi installés. Il faut maintenant dépasser la passerelle qui relie les deux blocs d’habitations et de commerces pour voir l’église qui a très peu changé.

Le paysage urbain du centre-ville est difficilement reconnaissable lorsque nous comparons les deux photographies.  Il a été totalement modifié par la construction de cet ensemble futuriste.

(Kamel Serdoun)

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