Une résistante dans la cité Marat
Période d'activité : 1940-1942.
Cité Marat

Cette fiche a été réalisée grâce au travail des élèves de la classe de 3e2 du collège Henri Wallon d’Ivry-sur-Seine dans le cadre d’un projet pédagogique mené par les Archives municipales d’Ivry (année scolaire 2020/2021). Elle s'appuie sur le fonds de la section spéciale auprès de la cour d'appel de Paris (fonds Z/4) conservé aux Archives nationales et sur les collections des Archives municipales d’Ivry.

L’activité clandestine de Georgette Gosnat

Georgette Gosnat (nom de naissance Alleaume), née en 1913 à Ivry, est mariée depuis 1935 à Georges Gosnat, un militant communiste ivryen. Ils habitent un appartement de la cité Marat à Ivry avec leur fille Raymonde, née en 1936. Mobilisé dans l’armée française au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, Georges est fait prisonnier en Belgique par l’armée allemande en mai 1940 et ne sera libéré qu’en 1945. Venise Gosnat, le beau-père de Georgette, est maire adjoint d’Ivry-sur-Seine avant la dissolution de la municipalité communiste*. Arrêté en mai 1940 puis interné en tant qu’élu communiste, Venise Gosnat s’évade à l’automne 1940 et exerce rapidement d’importantes responsabilités au sein de la résistance communiste. Dès lors, Georgette Gosnat apporte régulièrement de l’aide à ses beaux-parents qui vivent dans la clandestinité.  

À partir de l’automne 1940, Georgette Gosnat s’implique dans les activités de propagande du Parti communiste en intégrant un comité clandestin regroupant des femmes de la cité Marat. Dans ce cadre, elle doit régulièrement récupérer des lots de tracts à Paris auprès d’un résistant dont elle ignore la véritable identité. Dans son appartement, elle confectionne des paquets de tracts qui serviront à la diffusion et imprime des papillons grâce à sa machine à écrire. Avec ses camarades du comité, elle participe à des distributions de documents de propagande dans la cité Marat. Sa fille Raymonde est alors chargée de faire le guet. Sollicitant les habitants de la cité, ces femmes organisent également des collectes d’argent en faveur des prisonniers de guerre et de leurs familles.

*Décret-loi du 26 septembre 1939 portant dissolution des organisations communistes.

Une lettre de dénonciation

Le 29 janvier 1942, le commissariat de police d’Ivry reçoit une lettre de dénonciation anonyme dans laquelle l’autrice signale entre autre « un bruit de machine à écrire […] qui provient de chez madame Gosnat ». Deux jours plus tard, après une courte enquête, le commissaire de police d’Ivry accompagné de trois inspecteurs mène une perquisition dans l’appartement de Georgette. Elle est présente ainsi que sa fille et son frère âgé de 19 ans. En fouillant les pièces de l’appartement, les policiers saisissent de nombreux documents de propagande communiste (tracts, papillons et brochures) mais ne trouvent pas la machine à écrire que Georgette a tout juste eu le temps de cacher. Georgette Gosnat et son frère sont arrêtés et emmenés au commissariat d’Ivry. Raymonde est confiée à des membres de sa famille.

Après avoir été interrogés par le commissaire d’Ivry, Georgette et son frère sont transférés à la préfecture de police de Paris le jour même. La brigade spéciale n°1 (BS1)* reprend l’affaire. De nouveau interrogée, Georgette convainc les policiers de l’innocence de son frère qui est relâché le 3 février 1942. Parallèlement, elle avoue aux policiers son activité de propagande communiste mais parvient à faire croire qu’elle procédait seule aux diffusions de tracts, protégeant ainsi ses camarades. Le 3 février 1942, Fernand David, chef de la BS1, inculpe Georgette Gosnat d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939 et transmet l’ensemble de la procédure au tribunal de première instance de la Seine.   

*La brigade spéciale n°1 de la Direction des renseignements généraux de la préfecture de police de Paris est une unité de police spécialisée dans la répression de la propagande communiste. Elle est active jusqu’à la Libération (été 1944 pour la région parisienne).

Georgette Gosnat face à la justice de Vichy

Le 4 février 1942, le juge d’instruction du tribunal de première instance de la Seine ordonne l’incarcération de Georgette Gosnat à la prison de la Roquette (Paris, 11e arrondissement). Durant l’instruction de l’affaire, aucune nouvelle information ne vient compléter l’enquête menée par les policiers d’Ivry puis ceux de la BS1.

Le 20 mars 1942, considérant disposer de suffisamment d’éléments prouvant les activités de propagande communiste de Georgette Gosnat, le tribunal de première instance de la Seine décide de renvoyer l’accusée devant la section spéciale (tribunal d’exception créé par le régime de Vichy pour juger les infractions pénales à caractère communiste ou anarchiste). Le 13 avril 1942, Georgette Gosnat est condamnée à 5 ans de travaux forcés par la section spéciale.

Des prisons françaises aux camps de concentration nazis

Georgette Gosnat est emprisonnée à la prison de la Roquette, puis à la prison de Fresnes (actuel Val-de-Marne). Elle est ensuite transférée à la maison centrale de Rennes où elle retrouve de nombreuses prisonnières politiques dont plusieurs Ivryennes. Dans son témoignage recueilli par Clara-magazine en 2010*, elle raconte la solidarité entre les prisonnières politiques à Rennes :

« On passait tout notre temps ensemble. Mais c’était pas mal. Il y avait des profs de français, d’anglais, de sténo. […] il y avait de la camaraderie, on partageait avec celles qui avaient moins de colis que d’autres. La solidarité ça marchait. »

Le 1er mai 1944, Georgette Gosnat et de nombreuses prisonnières politiques de la prison de Rennes sont livrées par les autorités françaises à l’armée allemande. D’abord internées au camp de Romainville, elles sont déportées le 13 mai 1944 vers le camp de concentration de Ravensbrück (Allemagne). Georgette Gosnat découvre l’horreur des camps de concentration nazis où elle est soumise au travail forcé dans des usines de l’industrie militaire allemande. Fin avril 1945, elle est à bout de force lorsqu’elle est prise en charge par la Croix-Rouge suédoise quelques jours avant la libération du camp par les troupes soviétiques. Rapatriée après avoir été soignée en Suède, elle retrouve sa famille à Ivry en juin 1945.

*Carine Delahaie, « Interview de Georgette Alleaume Dupé », in Clara Magazine, n°117, janvier 2010.

Le mot de l’archiviste

Les archives de la section spéciale concernant Georgette Gosnat recoupées avec ses différents témoignages transmis après l’Occupation laissent entrevoir l’habileté avec laquelle elle a réussi à protéger ses camarades de la cité Marat lors des interrogatoires subis au commissariat de police d’Ivry puis dans les locaux de la BS1. Dès son premier interrogatoire, elle reconnait ses actions illégales mais déclare les mener seules et présente une version des faits que les policiers semblent considérer crédible. En effet, ils ne disposent pas d’éléments contradictoires. Le seul contact que Georgette est finalement contrainte de révéler concerne le résistant qui lui fournit les tracts à Paris. Or, elle ne sait rien de cet homme, hormis son pseudonyme « Robert », rendant difficile son identification par  les inspecteurs de la BS1.

 

Le service Archives-Patrimoine de la mairie d’Ivry-sur-Seine remercie chaleureusement Raymonde Motte pour ses témoignages et le prêt de nombreux documents d’archives concernant l’histoire de sa mère.

Carte postale, cité Marat vers 1950. - Archives municipales d'Ivry-sur-Seine/Éditions Guy.
Machine à écrire utilisée par Georgette Gosnat pour produire clandestinement des papillons, photographiée en 2011. - Archives municipales d'Ivry-sur-Seine/Archives familiales.
Georgette Gosnat et sa fille Raymonde, vers 1938. - Archives municipales d'Ivry-sur-Seine/Archives familiales.
Exemplaire de papillons saisis par la police chez Georgette Gosnat le 31 janvier 1942. - Archives nationales (France), Z/4/36 dossier 262.
Extrait de tracts saisis par la police chez Georgette Gosnat le 31 janvier 1942. - Archives nationales (France), Z/4/36 dossier 262.
Exemplaire d'un tract du Parti communiste clandestin saisi par la police chez Georgette Gosnat le 31 janvier 1942. - Archives nationales (France), Z/4/36 dossier 262.
Thèmes
Quartiers
Mots-clés

Bibliographie

Sébastien Albertelli, Julien Blanc, Laurent Douzou (dir.), La lutte clandestine en France. Une histoire de la Résistance, 1940-1944, Éditions du Seuil, 2019.

Emmanuel Bellanger, Ivry banlieue rouge, XXe siècle, Créaphis éditions, 2017.

Jean-Marc Berlière, Policiers des temps noirs, France 1939-1945, Perrin, 2018.

Olivier Wieviorka, Histoire de la Résistance (1940-1945), Perrin, 2013.

État des sources

-Archives nationales (France) 

Fonds d’archives de la section spéciale de la cour d’appel de Paris (fonds Z/4) : Z/4/36 dossier 262 et Z/4/131 dossier 347.

-Archives municipales d’Ivry-sur-Seine 

Témoignage de Raymonde Motte.

Don et prêt d’archives familiales.

- Carine Delahaie, « Interview de Georgette Alleaume Dupé », in Clara Magazine, n°117, janvier 2010.

Sitographie

Mont Valérien

Archives nationales (France)

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