Passeurs de tracts clandestins
Période d'activité : été 1942.

Cette fiche a été réalisée grâce au travail des élèves de la classe de 3e2 du collège Henri Wallon d’Ivry-sur-Seine dans le cadre d’un projet pédagogique mené par les Archives municipales d’Ivry (année scolaire 2020/2021). Elle s'appuie sur le fonds de la section spéciale auprès de la cour d'appel de Paris (fonds Z/4) conservé aux Archives nationales et sur les collections des Archives municipales d’Ivry.

Transporter des tracts pour la Résistance

Francisco Calvo (26 ans) habite 12 rue de Seine (actuelle rue Lénine) à Ivry lorsqu’il intègre la résistance communiste, probablement durant l’été 1942. Il est cloueur de caisses chez Marcillet et Ponts (avenue Jules Coutant, actuelle avenue Danielle Casanova).

Son rôle consiste à livrer ponctuellement des tracts de propagande communiste à un résistant qu’il  connait seulement  par son pseudonyme « Louis ». Les tracts sont fournis à Francisco Calvo par Désiré Pauly (67 ans) qui les reçoit lui-même d’un autre résistant dont il ignore l’identité. Désiré Pauly doit conserver ces documents dans son appartement situé 84 boulevard Sadi Carnot (actuel boulevard de Brandebourg) jusqu’à ce qu’il puisse les transmettre à Francisco Calvo.

Pour procéder aux livraisons, Francisco Calvo et Désiré Pauly suivent une procédure bien définie. Le signal de départ est donné par « Louis » qui, pour ce faire, se rend visible à Francisco Calvo lorsque celui-ci quitte son lieu de travail vers 18h. Ce dernier comprend alors qu’il doit emprunter volontairement le boulevard Sadi Carnot pour rentrer chez lui. S’il aperçoit Désiré Pauly assis sur un banc à proximité de son logement (84 boulevard Sadi Carnot), cela signifie que l’échange peut avoir lieu. Après avoir récupéré les documents chez Désiré Pauly, Francisco Calvo les livre à « Louis » qu’il retrouve derrière l’église Saint-Pierre Saint-Paul. 

L’arrestation de Désiré Pauly et ses conséquences

Le 16 août 1942, Désiré Pauly est arrêté en flagrant délit de diffusion de tracts communistes boulevard Sadi Carnot par un gardien de la paix du commissariat d’Ivry. Lors de son interrogatoire par le commissaire de police d’Ivry, Désiré Pauly passe aux aveux. Il explique son rôle dans le réseau mais donne peu d’informations permettant aux policiers d’identifier les autres résistants.  Le jour-même, le commissaire et plusieurs inspecteurs perquisitionnent son appartement où ils saisissent et placent sous scellés des centaines de documents de propagande communiste (tracts, papillons, journaux clandestins).

Le 17 août 1942, Désiré Pauly est transféré à la brigade spéciale n°1 (BS1) de la préfecture de police de Paris (Direction des renseignements généraux) qui prend l’affaire en charge. Sous l’Occupation, cette unité de police est spécialisée dans la répression des réseaux de propagande communiste. Fernand David, chef de la BS1, charge plusieurs de ses inspecteurs d’identifier et d’arrêter le résistant à qui Désiré Pauly donne régulièrement des paquets de tracts. Le 18 août 1942, vers 18h, ils arrêtent Francisco Calvo sur le boulevard Sadi Carnot à son lieu de rendez-vous habituel avec Désiré Pauly. Interrogé par les policiers de la BS1, Francisco Calvo finit par avouer son rôle dans la Résistance.

Francisco Calvo et Désiré Pauly face à la justice de Vichy

Dès le 18 août 1942, la brigade spéciale n°1 considère l’enquête terminée et transmet l’affaire au tribunal de première instance de la Seine. Francisco Calvo et Désiré Pauly sont inculpés d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939 portant dissolution des organisations communistes. Deux jours plus tard, sur décision du juge d’instruction, ils sont incarcérés à la prison de la Santé (Paris, 14e arrondissement).

Le 23 novembre 1942, le tribunal de première instance de la Seine considère que de nombreux éléments de l’enquête attestent de l’activité de propagande communiste des deux suspects. Ils sont donc renvoyés devant la section spéciale auprès de la cour d’appel de Paris (tribunal d’exception créé par le régime de Vichy pour juger les infractions pénales à caractère communiste ou anarchiste). Le 23 décembre 1942, Désiré Pauly, âgé de 67 ans, décède de maladie à la prison de la Santé. Le 6 janvier 1943, reconnu coupable de propagande communiste, Francisco Calvo est condamné par la section spéciale à 18 mois d’emprisonnement et 1200 francs d’amende.

La déportation de Francisco Calvo

À l’issue de sa peine de prison, Francisco Calvo n’est pas libéré mais interné au camp d’internement de Romainville. Le 2 juillet 1944, il est déporté vers le camp de concentration de Dachau (Allemagne) par les autorités allemandes. Le trajet en train doit durer plusieurs jours. Dans ce train, Francisco Calvo meurt dès le premier jour du convoi, asphyxié sous les effets conjugués de l’entassement des prisonniers dans les wagons et de la chaleur suffocante de ce début du mois juillet 1944. Des centaines de ses camarades subissent le même sort.

Le mot de l’archiviste

Le déroulement de l’affaire montre l’importance du cloisonnement des informations au sein des réseaux de résistance. Francisco Calvo et Désiré Pauly semblaient ignorer la véritable identité des résistants impliqués à leur côté dans l’action clandestine. À priori, cela a empêché la police, même la brigade spéciale n°1 de la préfecture de police de Paris pourtant spécialisée dans ce type d’affaire, d’étendre les arrestations au-delà des deux suspects.

Portrait de Francisco Calvo au dos d'un petit miroir conservé par sa famille. - Collection privée/Prêt de la famille Calvo.
Carte postale montrant la rue Sadi Carnot près de la gare d'Ivry, vers 1910. - Archives municipales d'Ivry-sur-Seine.
Ordonnance de renvoi de Francisco Calvo et Désiré Pauly devant la section spéciale par le tribunal de première instance de la Seine, 23 novembre 1942. - Archives nationales (France), Z/4/68 dossier 473.
Exemplaire du deuxième numéro de la revue clandestine La Pensée libre qui annonce la création du Front national des écrivains, saisi par la police chez Désiré Pauly le 16 août 1942. - Archives nationales (France), Z/4/137 dossier 473.
Tract de propagande communiste saisi par la police sur Désiré Pauly le 16 août 1942. - Archives nationales (France), Z/4/137 dossier 473.
Extrait d'une publication du Parti communiste clandestin " la vie du Parti " (juillet 1942) saisie par la police chez Désiré Pauly. - Archives nationales (France), Z/4/137 dossier 473.
Thèmes
Quartiers
Mots-clés

Bibliographie

Sébastien Albertelli, Julien Blanc, Laurent Douzou (dir.), La lutte clandestine en France. Une histoire de la Résistance, 1940-1944, Éditions du Seuil, 2019. 

Emmanuel Bellanger, Ivry banlieue rouge, XXe siècle, Créaphis éditions, 2017.

Jean-Marc Berlière, Policiers des temps noirs, France 1939-1945, Perrin, 2018.

Olivier Wieviorka, Histoire de la Résistance (1940-1945), Perrin, 2013.

État des sources

Archives nationales (France)

Fonds d’archives de la section spéciale de la cour d’appel de Paris (fonds Z/4) : Z/4/68 dossier 473 et Z/4/137.

Archives municipales d’Ivry-sur-Seine 

Prêt de la famille de Francisco Calvo.

Sitographie

Mont Valérien

Archives nationales (France)

Partager sur