Réseau clandestin des Jeunesses communistes
Période d'activité : 1941.

Cette fiche a été réalisée grâce au travail des élèves de la classe de 3e2 du collège Henri Wallon d’Ivry-sur-Seine dans le cadre d’un projet pédagogique mené par les Archives municipales d’Ivry (année scolaire 2020/2021). Elle s'appuie sur le fonds de la section spéciale auprès de la cour d'appel de Paris (fonds Z/4) conservé aux Archives nationales et sur les collections des Archives municipales d’Ivry.

Avertissement : en respect du code du patrimoine, les noms de famille de plusieurs personnes impliquées dans cette affaire ne peuvent être divulgués. Ces personnes sont désignées par leur prénom.

La réorganisation des Jeunesses communistes* clandestines à Ivry

Né en 1911, Jean, alias André Gaveau dans la Résistance, occupe d’importantes responsabilités au sein des Jeunesses communistes (JC) de la région parisienne depuis la fin des années 1930. Il habite à Choisy-le-Roi et travaille à l’agence de la Société Générale installée place de la République à Ivry. Le Parti communiste, interdit depuis le 26 septembre 1939**, lui confie en juin 1941 la responsabilité du secteur des JC clandestines comprenant les communes de Villejuif, Gentilly, Maisons-Alfort, Alfortville et Ivry. Jean est chargé de former politiquement les militants placés sous sa responsabilité, de percevoir leurs cotisations, de coordonner le recrutement de nouveaux membres et d’organiser la propagande dans son secteur.

En octobre 1941, le Parti communiste place Georges Cressot (26 ans) sous les ordres de Jean. Georges Cressot a pour mission de réorganiser les JC clandestines à Ivry et, en premier lieu, de recruter des volontaires pour participer aux actions de propagande de la résistance communiste. Pour cela, il se rapproche de jeunes Ivryens qui ont été membres des JC avant leur dissolution en 1939. Solange (20 ans), une résistante ivryenne, est chargée d’une mission similaire consistant à réorganiser l’Union des Jeunes filles de France*** à Ivry. Solange et Georges Cressot travaillent ponctuellement ensemble. En novembre 1941, Jean recrute Pierre Rostaing, un Ivryen de 18 ans (ancien membre des JC d’Ivry), qu’il met en relation avec Georges Cressot.

À l’automne 1941, Jean et Georges Cressot auraient rencontré place Gambetta à Ivry un membre de l’Organisation spéciale (branche combattante de la résistance communiste) pour l’aider à recruter de jeunes Ivryens susceptibles de participer à des actions violentes et des sabotages contre l’armée allemande.  

 

*Les Jeunesses communistes, aussi appelées JC, sont une organisation politique de jeunesse indépendante mais très proche du Parti communiste français.

**Décret-loi du 26 septembre 1939 portant dissolution des organisations communistes. Le Parti communiste français, les JC et l’Union des Jeunes filles de France font partie des organisations dissoutes.

***L’Union des Jeunes filles de France (UJFF), est une organisation politique et féminine de jeunesse indépendante mais très proche du Parti communiste français.

Arrestations en chaîne

Le 21 décembre 1941, Georges Cressot se trouve devant la gare d’Ivry en compagnie de quelques membres des JC clandestines lorsqu’il aperçoit deux gardiens de la paix. Il décide alors de partir précipitamment. Trouvant ce comportement suspect, les policiers l’arrêtent.

Le jour-même, Georges Cressot est interrogé par le commissaire de police d’Ivry. Après être passé aux aveux, il est transféré à la Direction des renseignements généraux de la préfecture de police de Paris. Les informations recueillies durant l’interrogatoire de Georges Cressot et lors de la courte enquête menée par des inspecteurs de la brigade spéciale n°1 (BS1)* conduisent aux arrestations de Pierre Rostaing et Solange le 23 décembre 1941, puis à l’arrestation de Jean, le 25 décembre. Deux résistants communistes qui ne semblent pas directement liés à l’organisation des JC à Ivry sont également arrêtés.

Lors des perquisitions menées au domicile de Jean et sur son lieu de travail (agence de la Société Générale à Ivry), les inspecteurs saisissent de nombreux documents qui trahissent ses responsabilités au sein de l’organisation clandestine communiste. Ces éléments, ajoutés aux résultats de plusieurs jours d’interrogatoires et d’investigations, offrent aux policiers une vision relativement précise du fonctionnement du réseau des JC d’Ivry dirigé par Jean. Cependant, ils ne disposent pas d’informations suffisantes pour étendre les arrestations, du moins pour le moment.

*brigade de la Direction des renseignements généraux de la préfecture de police de Paris spécialisée dans la lutte contre la propagande communiste.

Des résistants face à la justice de Vichy

À partir du 29 décembre 1941, l’affaire est instruite par le tribunal de 1ère instance de la Seine. Les suspects sont inculpés d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939. Dans son jugement du 9 mai 1942, le tribunal de 1ère instance renvoie Solange, Jean, Pierre Rostaing, Georges Cressot et deux autres accusés devant la section spéciale auprès de la cour d’appel de Paris (tribunal d’exception créé par le régime de Vichy pour juger les infractions pénales à caractère communiste ou anarchiste). Le tribunal considère, en effet, disposer de suffisamment d’éléments prouvant leur implication dans des activités de propagande communiste.

Le 12 juin 1942, la section spéciale déclare les accusés coupables d’infraction à la législation anticommuniste. Jean est condamné à 8 ans de travaux forcés, Georges Cressot à 6 ans de travaux forcés, Pierre Rostaing et Solange à 5 ans d’emprisonnement.

Des résistants face à la déportation  

Après leur condamnation, ces quatre résistants des JC clandestines à Ivry connaissent un parcours similaire. Ils sont incarcérés dans des prisons françaises par les autorités françaises puis déportés vers des camps de concentrations nazis par les autorités allemandes.

Georges Cressot est déporté le 22 mars 1944 vers le camp de concentration de Mauthausen (Autriche). Il décède le 2 juin 1945 quelques semaines après la libération du camp par les troupes américaines. Pierre Rostaing est déporté le 12 mai 1944 vers le camp de concentration de Buchenwald (Allemagne). Il est exécuté par des gardiens SS après une tentative d’évasion, probablement le 4 avril 1945.

Jean est déporté le 12 mai 1944 vers le camp de concentration de Buchenwald. Solange est déportée en mai 1944 vers le camp de concentration de Ravensbrück (Allemagne). Jean et Solange survivent à leur déportation. Rapatriés en France, ils se marient le 1er décembre 1945.

Le mot de l’archiviste

Le fonctionnement de ce petit réseau des JC illustre l’importance des relations militantes établies avant l’interdiction de 1939 dans le recrutement des résistants communistes. Jean semblait connaître Pierre Rostaing dès la fin des années 1930 grâce à son activité au sein des JC. Solange cherche à recruter des jeunes femmes parmi les anciennes militantes de l’UJFF d’Ivry dont elle était membre depuis 1936. Les contraintes de la clandestinité expliquent en partie ces comportements. Pour garantir leur sécurité, les réseaux de résistance doivent limiter leurs contacts avec l’extérieur et s’assurer de la fiabilité de leurs membres.

Étiquette de scellé de la Direction des renseignements généraux de la préfecture de police de Paris, décembre 1941. - Archives nationales (France), Z/4/131 dossier 347.
Carte postale, place de la République et rue de la Mairie (actuelle avenue Georges Gosnat), agence de la Société Générale (à gauche), vers 1910. - Archives municipales d'Ivry/Collection particulière.
Liste de contacts ou de membres de la résistance communiste dans des usines d'Ivry, saisie par la police chez Georges Cressot le 21 décembre 1943. - Archives nationales (France), Z/4/131 dossier 347.
" Guide " pour servir à la production de tracts de propagande communiste, saisi chez Jean par les inspecteurs de la BS1 le 26 décembre 1941. - Archives nationales (France), Z/4/131 dossier 347.
Plan d'une leçon destinée à la formation idéologique des membres des JC clandestines saisi par la police chez Georges Cressot le 21 décembre 1943. - Archives nationales (France), Z/4/131 dossier 347.
Arrêt de la section spéciale, 12 juin 1942. - Archives nationales (France), Z/4/49 dossier 347.
Thèmes
Quartiers
Mots-clés

Bibliographie

Sébastien Albertelli, Julien Blanc, Laurent Douzou (dir.), La lutte clandestine en France. Une histoire de la Résistance, 1940-1944, Éditions du Seuil, 2019.

Emmanuel Bellanger, Ivry banlieue rouge, XXe siècle, Créaphis éditions, 2017.

Jean-Marc Berlière, Policiers des temps noirs, France 1939-1945, Perrin, 2018.

Olivier Wieviorka, Histoire de la Résistance (1940-1945), Perrin, 2013.

État des sources

Archives nationales (France) 

Fonds d’archives de la section spéciale de la cour d’appel de Paris (fonds Z/4) : Z/4/49 dossier 347 et Z/4/131 dossier 347.

Sitographie

Mont-Valérien

Archives nationales (France)

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